Gargantua de Rabelais

Publié le par Amandine

Louis Baladier sur Gargantua


  • ambiguïté herméneutique + éloignement dans le tps


I - Repères historiques. Conditions de publication


  • Proche de la tradition orale.

  • Les géants sont de ttes les mythologies, où ils incarnent des terreurs ancestrales.

    Ex : Gargantua issu d'une lignée créée par Merlin et mise au service du roi Arthur.

    Comique de grossissement et de caricature qui tien au dimensions du géant.

Sur le plan littéraire, Rabelais s'inscrit donc dans une tradition populaire et médiévale.

  • Renaissance : réévaluation des principes fondateurs de la société.


II – Structures et techniques


  1. Structures figuratives : la fiction


Les influences

Lieu de confluence de plusieurs cultures : Moyen-Age, Quattrocento, humanisme.

  • Moyen-Age :

    > tradition épique et romanesque des romans de chevalerie

    > tradition comique des farces et des fabliaux

    > tradition folklorique avec les géants, diablotins, sortilèges de la mythologie paysanne

  • Influence italienne des épopées bouffonnes ou héroïcomique : action romanesque vers la parodie, cocasseries et entrain qui écartent de tout tragique les scènes de batailles et de massacres en dépit d'une cruauté affichée (chap XXVII)

  • Critique moderne :

    > charges contre l'autorité et le prestige de docteurs (Janotus),

    > impérialisme de Charles Quint (Picrochole).

Rabelais tantôt les juxtapose, tantôt les fond dans une même pâte romanesque.


Exemples :

  • Chap V « Le propos des bien yvres » : variations burlesques, pure bouffonerie, conviction de Rabelais concernant le pouvoir curatif du rire, fonction divertissante. C'est ainsi par exemple que toute une série de formules liturgiques ou bibliques sont détournées de leur sens religieux pour être appilquées au boire et au manger > symposium carnavalesque.

  • Chap LVII «  Comment estoient reiglez les Thélémites à leur manière de vivre » : style tempéré, cicéronien, sans aucune dissonance ou familiarité, sans non plus de raideur ou d'emphase (cadence mineure), tour oratoire qui souligne la noblesse du propos et solennise, idéal humaniste de discrétion, fait contraste avec le reste du livre > projection utopique des espérances humanistes.

  • Chap VI «  Comment Gargantua nasquit en façon boen estrange » : représentations crues des réalités anatomiques et physiologiques, imaginaires des entrailles (craintes obscures et tabous liés au corps), débordement de scatologie et d'érudition médicale grotesque :


  • Argument classique : apprentissage d'un chevalier ou d'un prince > Gargantua :

    - du bébé monstrueux qui demande à boire, au prince humaniste

    - des litanies ordurières des bien ivres à l'amplification du thème du libre-arbitre.

    Défense et illustration d'une éducation.


Exemples :

  • Chap XIII « l'invention du torchecul » : L'éducation du géant et d'abord rupture d'avec un monde habituel et ses rites. La peinture blasphématoire ou du moins démythificatrice réhabilitation la matérialité, travestissement parodique des doctrines mystiques, gros rire libérateur de toute contrainte.


Les personnages :


  • Grandgousier apparaît comme un brave rustre campagnard, bon époux et bon père de famille. Puis en 2e partie, grandeur morale d'un roi plein de finesse, sage, modéré > monarchie patriarcale des 1ers capétiens. Il s'oppose à Picrochole, lourde caricature de Charles Quint et du mauvais prince. L'image du monarque bellliqueux, infatué de soi-même et , poussé par les mauvais conseillers en proie à un délire mégalomane.

  • Gargantua est un substrat folklorique. Mastodonte un peu dadais qui dérobe les cloches de Notre-Dame ou mange par inadvertances un groupe de pèlerins. Mais ses proportions gigantesques deviennent l'expression des rêves titanesques de l'humanisme renaissant, il devient un chevalier accompli. Le géant capable d'absorber un programme d'études encyclopédiques incarne le rêve intellectuel du XVIe, un idéal d'humanité.

  • Frère Jean : moine paillard des fabliaux du Moyen-Age mais échappe au stéréotype satirique par son dynamisme et sa sympathie. Il représente l'épanouissment actif et joyeux de la personnalité, le refus de toutes les brimades et tous les ascétismes qui sont au coeurla morale humaniste.

  • Dichotomie manichéenne : d'un coté les sophistes stupides, de l'autre les compagnons de Gargantua qui composent une sorte de modèle de la civilité nouvelle > harmonieuse convivialité qui est la marque même de la civilisaton.


Les représentations des moeurs et des décors :


  • Réalités connues et familères : Expérience de l'écrivain, à Paris ou dans les environs de Chinon, dénominations géographiques correspondant à une réalité précise, fait réel pour base de la guerre picrocholine, noms de personnes réelles.

  • Actualité politique de l'époque : Lien étroit des épisodes romanesques et de la réalité du temps. La guerre picrocholine est un écho direct de la lutte des Valois et des Habsbourg d'Espagne. Picrochole est une synthèse des souverains agresseurs de l'époque. Donne un élargissement et une profondeur à l'histoire en l'ouvrant à de vastes problèmes et en la dotant d'un éclairage intellectuel particulier.

  • Sceau typiquement rabelaisien : énormité et matérialité, hyperbole des dimensions, fréquences des scènes de ripailles, insistance sur les images matérielles et corporelles, fête populaire et gaieté collective.


  1. Structures sémantiques : sens et allégories


Polémique autour de la signification de l'oeuvre de Rabelais, avec ses questions de pédagogie, de politique, de théologie, et une certaine attitude générale devant la vie, elle constitue une philosophie.


  • Rabelais prône le recours intelligent aux textes et les exercices pratiques, l'appel à l'activité et à l'initiative de l'élève ainsi que le souci d'équilibre du corps et de l'esprit.

  • La politique de Rabelais s'exprime à l'occasion du conflit opposant Picrochole et Grandgousier.

  • La théologie repose sur l'adoration de Dieu et la condamnation de la religion comme institution humaine. La satire des moines, du culte mécanique, de la liturgie est incessante.

  • La philosophie de Rabelais est un eudémonisme. Si la fin suprême de l'homme est Dieu, sa destinée terrestre doit être vouée au bonheur grace au développement harmonieux de ses possibilités intellectuels et physiques, une société réglée et juste, le luxe, l'art et la science. C'est l'acceptation de la nature dans sa réalité complète et la confiance dans cette nature.


Tout cela se rattache au courant de la pensée humaniste de l'époque mais ce qui distingue Rabelais c'est que ses idées sont inséparables du ton de son discours et de sa fiction romanesque.


Le prologue :

  • Il s'ouvre par une apostrophe dédicatoire bouffone, suivie d'un éloge très classique. Ainsi d'emblée une dissonance est introduite entre un ton facétieux et un propos sérieux. Cet avertissement liminaire peut être lu comme une clef ou comme une satire parodique.

  • Les commentateurs cherchent dans les textes anciens d'inspiration profane des sens seconds moraux ou philosophiques qui en justifient la lecture dans le contexte chrétien. Rabelais se moque de ces gloses abusives.


Les deux poèmes des chap II et LVIII encadrent toute la lecture est pose la problématique de l'interprétation. Ce tintamarre de mots souligne l'impuissance et la vanité des commentateurs trop présomptueux.


  1. Structures narratives : récit et discours


La composition du récit peut apparaître à première vue sommaire. Mais :



Demerson établit des corrélatios d'analogie entre chapitres éloignés et installe une symétrie concentrique des éléments. Cette disposition fait apparaître les chapitres XLI et XLII comme l'élément central.


III - L'art de Rabelais : le style et le rire


  • La narration est fondée chez lui sur les procédés énumératifs et amplifiants.

Exemple :

  • Chap XXVII « comment un moine de Seuille... » : comique burlesque, inversion systématique des valeurs et des significations d'une situation donnée. Ce style mêle la farce, la verve et l'humour.


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